Riga 2023

Les 26 et 27 juin 2023, le Conseil d’État italien et l’ACA-Europe ont organisé le colloque « Services aux Citoyens et Droits Sociaux » à Naples, Italie.

Le séminaire de Naples a marqué la fin des deux ans de présidence italienne de l’ACA-Europe. Il était consacré à l’approche de ce que l’on appelle les droits sociaux par les cours administratives suprêmes des États membres. S’inscrivant dans la lignée des séminaires précédents de la présidence italienne, consacrés au « dialogue horizontal », il constituait l’issue naturelle du parcours d’analyse approfondie des systèmes de fond et de procédure des différents États membres.

 

Il convient de rappeler que des sujets généraux mais aussi sectoriels ont été explorés lors des séminaires de la présidence italienne. Parmi les premiers, l’efficacité de la protection recherchée par les différents recours procéduraux prévus dans les systèmes juridiques nationaux; la fonction directive des décisions du juge administratif pour les administrations publiques; les méthodes d’interprétation de la loi, la fonction nomophylactique des CAS ; l’utilisation de principes et de clauses généraux, en ce compris dérivés du droit européen. Parmi les seconds : le contrôle juridictionnel des décisions des autorités réglementaires et la protection des droits sociaux.

Le séminaire de Naples s’est concentré sur les domaines qui ne sont pas harmonisés par le droit de l’UE, mais revêtent toutefois une importance fondamentale pour les valeurs de la citoyenneté européenne, et cela plus encore après l’urgence sanitaire et la crise énergétique.

Par « droits sociaux », on entend la catégorie de droits dont la mise en œuvre requiert que le législateur intervienne, pour réglementer les prestations dont bénéficient les citoyens : ce qui permet alors aux citoyens de demander aux autorités publiques la mise en œuvre effective de ces prestations. Il s’agit donc de « demandes de prestations », différant dès lors des « droits à la liberté », plus traditionnels, et ne bénéficiant pas toujours de la même protection que ces derniers. Les « droits sociaux » couvrent des domaines tels que la santé, le travail, l’éducation, le droit au logement, qui ne relèvent pas de la compétence directe de l’Union européenne. Les lois des différents pays ne sont donc pas homogènes et il est vraisemblable que la reconnaissance et l’intensité de la protection de ces droits prennent des formes très différentes.

Toute une série de raisons expliquent l’importance considérable prise par la question des droits sociaux dans le contexte historique actuel pour le législateur. Citons, tout d’abord, la crise économique financière de 2012, l’augmentation des flux migratoires, l’intensification des inégalités causées par la mondialisation. Finalement, l’urgence sanitaire liée au COVID-19 et le déclenchement de la guerre en Ukraine, avec toutes les crises subséquentes, se sont ajoutés à ces facteurs : humanitaire, énergétique, économique, géopolitique.

Plusieurs points intéressants ressortent des réponses au questionnaire :

  • les sources régissant les différents droits sociaux sont uniformes dans les États membres ;
  • les principaux droits sociaux trouvent leur source dans les constitutions, et c’est un choix qui s’impose presque (compte tenu de leur importance croissante, en ce compris pour la protection des droits traditionnels, régis depuis les constitutions du 18e siècle, à commencer par les constitutions américaine et française) ;
  • le fait que la plupart des textes constitutionnels commencent à dater a conduit plusieurs États membres à les amender pour pouvoir y introduire de nouveaux droits, comme le « droit à l’environnement » ;
  • si de nouveaux droits n’ont pas bénéficié d’une reconnaissance législative dans certains États membres, les autorités judiciaires ont adopté des critères d’interprétation des dispositions légales qui permettent de les protéger de manière adéquate ;
  • tous les pays ont indiqué que les contraintes fiscales et les mesures visant à contenir les dépenses publiques pour faire face aux périodes de crise peuvent limiter le caractère effectif des droits sociaux. Dans presque tous les pays, il est impossible de porter atteinte à un noyau intangible de droits sociaux, même en situation de restriction financière
D’un point de vue procédural, il ressort ce qui suit :
  • dans aucun État membre, les mesures de soutien spéciales mises en œuvre pour faire face aux urgences de ces dernières années (pandémie, crise énergétique, crise bancaire et financière) n’ont été accompagnées de règles spéciales, altérant la répartition ordinaire des compétences entre les tribunaux administratifs et les autres juges dans les domaines concernés.

Si l’on considère la répartition des compétences dans le domaine des droits sociaux, au niveau territorial de gouvernement non étatique, la plupart des États membres ont indiqué que les niveaux territoriaux de gouvernement non étatiques disposent de pouvoirs administratifs et réglementaires mais ne peuvent, dans la plupart des systèmes juridiques, admettre, exclure ou conditionner l’accès aux prestations sociales que dans certains secteurs. Dans quelques pays, il est apparu que les niveaux territoriaux de gouvernement non étatique disposent du pouvoir d’admettre, d’exclure ou de conditionner l’accès aux prestations sociales dans n’importe quel secteur, sans limitation.

L’examen des questionnaires a permis d’identifier différents profils. Ceux-ci ont fait l’objet d’analyses approfondies complémentaires, riches en enseignements et stimulantes, lors des deux tables rondes thématiques et de la troisième, consacrée à l’examen de la jurisprudence.